C’est un trio qui compte double. Trois hommes, et leurs femmes, sont derrière le top price de la vente 2025. Osez Joséphine est montée jusqu’à 280.000 €. Mais les mêmes sont aussi les présentateurs d’Obiwan Kenobi, top 3 de la vente à 160.000 €. "C’est une journée unique pour nous, que nous ne revivrons sans doute jamais", commente le trio, entre rêve éveillé et conscience d’un moment qui les habitera longtemps.
Repartir d’une page blanche
L’histoire Ready Cash s’achève en beauté pour le trio avec les deux ventes du 3 septembre. "Osez Joséphine était notre dernière pouliche de Ready Cash qu’on pouvait passer en vente, relève Daniel Belzic. On n’en espérait pas autant." La page se tourne maintenant et un autre chapitre va devoir commencer. "On entre maintenant dans une nouvelle histoire", précise Jean-François Henocq. Mais avec qui écrire cette nouvelle histoire ? "Le successeur de Ready Cash n’est pas trouvé." Le constat est net. "Face Time Bourbon, c’est bien mais ce n’est pas son père", entend-t-on dans notre échange. "Pour moi, c’est quand même Face Time Bourbon pour succéder à Ready Cash", s’engage Jean-François Henocq. Mais tous pointent qu’aucun candidat ne réunit les qualités de Ready Cash, facile à croiser avec le sang de Coktail Jet. Avec Face Time Bourbon (dont la mère est par Love You), le scénario élimine les poulinières marquées de trop près par Coktail Jet.
Un marché de l’étalonnage de plus en plus compliqué
Ce sont des observateurs tout à fait privilégiés, car exposés, du marché de l'élevage français dans son pan des porteurs de parts d'étalons, qui nous parlent. Et de ce point de vue, ils nous font part d'un secteur qui traverse une période compliquée, comme un avion une zone de turbulence. Denis Legrand remarque : "Depuis que Ready Cash n’est plus là, notre activité de porteurs de parts plus difficile. Les saillies des autres étalons sont plus difficiles à vendre. En fait, Ready Cash tirait tout par le haut. C’était un scénario exceptionnel. Aujourd’hui, il faut rappeler que des saillies de certains étalons se vendent par des porteurs de parts à un prix deux fois inférieur au tarif annoncé. Le marché a changé et c’est de plus en plus dur. Si je compare à 1995 par exemple. Aujourd’hui, tout est trop cher". Le constat est clair : les syndications lancent les jeunes étalons à des tarifs trop élevés. Ce n’est plus raisonnable et le marché ne suit pas derrière quant au prix réel de négociation des saillies. Daniel Belzic rappelle : "Ready Cash n’a débuté qu’à 37.500 € la part. Il faut rappeler que Face Time Bourbon a été lancé à 80.000 € et a vite été affiché 120.000 €." Pour Jean-François Henocq : "Tout ne s’est pas fait en un jour. Cela a été crescendo. Et le marché a lui-même tiré le prix de Ready Cash vers le haut jusqu’à passer au statut privé. Aujourd’hui, tout est à reconstruire en quelque sorte. On repart d’une page blanche." Pour sa part, Daniel Belzic réduit son activité dans le secteur des parts d’étalons : "Je trouve que le marché est en phase descendante. Il y a aujourd’hui beaucoup trop d’étalons qui saillissent à plus de 10.000 €. À l’époque du lancement de Ready Cash, il y en avait beaucoup moins."
La formule gagnante du 3 septembre : Ready Cash et Jean-Pierre Dubois
La quête des meilleures juments passe deux fois pour le trio par la case Ecurie Hunter Valley. Les trois vont se rendre acquéreurs, coup sur coup, en fin d’année 2022 de Greenpeace (Memphis du Rib), et au premier semestre 2023 de Royal Crown (Love You). Jean-François Henocq précise : "On a acheté Greenpeace à l’amiable à Matthieu Millet, deux mois après qu’elle a été rachetée à la vente des Critériums en 2022. Et dans le cadre de nos échanges, on lui a vendu une saillie de Ready Cash pour sa poulinière Royal Crown. On a alors essayé d’acheter la jument, sans succès. Puis après trois mois de gestation, il nous apprend que Royal Crown est pleine d’une pouliche car il a fait un test sur le sexe du produit. Nous voulions acheté Royal Crown dans la perspective de garder la souche à l’élevage. Cela nous a convaincus et on a trouvé alors un arrangement qui incluait la saillie de Ready Cash non encore payée. C’est comme cela qu’est née Osez Joséphine. Elle est née tôt, le 28 janvier 2024, le jour du Prix d’Amérique !"
Alors, pourquoi cette volte-face, un an plus tard en se séparant de la pouliche destinée en prime intention à leur propre élevage ? "Au début de l’année, Royal Crown a pouliné d’une autre femelle, par Italiano Véro. On s’est dit que comme c’était la dernière année Ready Cash, on pouvait profiter de l’aubaine pour la mettre sur le marché. On sait qu’on n’aura jamais aussi bien et qu’on pourra garder la femelle par Italiano." On imagine les échanges, arguments et contre arguments déployés des heures durant entre les trois partenaires pour se retrouver autour de la décision.
Quant aux poulinières à l’origine de ces deux ventes, Royal Crown pour Osez Joséphine et Greenpeace pour Obiwan Kénobi, on trouve un dénominateur commun. Jean-François Henocq décrypte : "Quand vous prenez un peu de recul dans les deux produits que nous avons présentés, Jean-Pierre Dubois est derrière nous. Nos deux juments viennent de chez lui au début par leurs pedigrees. On peut dire que Jean-Pierre Dubois est en surplomb de notre histoire".
Nos deux juments auteurs de nos belles ventes viennent de chez Jean-Pierre Dubois par leurs papiers. On peut dire que Jean-Pierre Dubois est en surplomb de notre histoire.
(Jean-François Henocq)
Le trio en quelques mots
■ Jean-François Henocq. Originaire du Nord. En clôture d'activité professionnelle (en tant que conseiller et expert immobilier notamment auprès des tribunaux). Passionné jeune par les courses avec son père. À la trentaine, devient petit éleveur sans sol avec son père dans le Nord. Accumule alors les données d’élevage. Lecteur assidu de Trot Informations et du stud-book. "Je suis souvent venu aux ventes avec mon père. Nous avons présenté des yearlings à l’époque et avons souvent eu de grosses déceptions. Il se trouve qu’il est décédé un 3 septembre il y a six ans. Il aurait été content de connaître notre réussite de mercredi, une réussite que je n’ai jamais eue avec lui."
■ Denis Legrand. Agriculteur dans le Cher. Très tôt au contact des trotteurs. Sort des chevaux dans sa jeunesse dans l’établissement de la famille de Bellaigue. Revient dans les courses en 1992 comme éleveur et devient important porteur de parts de Coktail Jet à partir de 1995. Investit aussi dans les étalons Dubois comme Extreme Dream, Ganymède et Love You. Possède une autorisation d’entraîner.
■ Daniel Belzic. De la région parisienne. Retraité. Propriétaire de chevaux dans sa jeunesse avec son père. Il nous apprend : "Ensuite, après un grand blanc dans les courses en raison de mes activités professionnelles, je suis revenu dans les chevaux. Mais je connaissais l'expérience du propriétaire et je voulais aller vers autre chose. C'est pourquoi je me suis orienté dans des parts d’étalons avec notamment Goetmals Wood et Love You. Quand Ready Cash a été syndiqué, j’en ai pris une, puis j'en ai acheté deux autres." Il a été également copropriétaire de parts de Ready Cash avec Jean-François Henocq et Denis Legrand, avec qui il est aussi coéleveur.
La question des noms
Mais qui se charge de la dénomination des poulains et pouliches de l’élevage du trio ? Jean-François Henocq ne lève pas la main comme à l’école mais baisse plutôt les yeux. "C’est moi et ma femme. Ou le contraire. Mon épouse revendique la paternité des noms alors je lui laisse", commente, taquin, Jean-François. "Mais Daniel n’aime pas les noms que nous donnons (rires)" L'adversité sur ce point ne semble qu'effleurer, comme une plume caressante, l'opinion du plus nordiste des trois partenaires.
Les noms des produits Belzic/Legrand/Henocq sont marqués pour nombre d'entre eux par les années 1970 et 1980 dans le cadre de références et clins d'oeil musicaux et cinématographiques. Logique en quelque sorte pour des éleveurs sexagénaires : Kool And The Gang, Osez Joséphine, Obiwan Kénobi, Prima Donna, etc.
Pascal Bernard, l’homme des tops
"
Il faut vraiment associer Pascal Bernard et le Haras du Bois Josselyn à nos très belles ventes. Il a accepté par amitié de prendre nos deux yearlings et on voit le résultat", commente Jean-François Henocq. Pascal Bernard est donc, encore une fois, l’homme des top prices des ventes de yearlings de Deauville. Après avoir vendu le top historique l’an dernier
Nodessa Josselyn (Ready Cash), issue de son propre élevage, pour 740.000 €, il signe cette année le top de la Select European Yearling Sale mardi grâce à
Olympic Josselyn (Calgary Games) pour 270.000 € et a été le top de la vente de yearlings sélectionnés avec
Osez Joséphine (Ready Cash) à 280.000 €.
Quelques ventes du trio
◆ Kool And The Gang (Ready Cash et Conga) : 95.000 €
◆ Lemonac(Ready Cash et Corona Gédé) : 110.000 €
◆ Mucho Cash (Ready Cash et Conga) : 57.000 €