Quel a été votre sentiment après sa dernière victoire ?
Sans jamais avoir été trop inquiet non plus, je ne cache pas que je vivais un peu le Prix de Bourgogne comme une sorte d’ultimatum. Sa victoire a donc été un vrai soulagement. Plus que la victoire, je voulais le revoir placer une accélération dans la ligne droite, ce qu’il n’avait plus fait lors de ses dernières courses.
Plus que la victoire, je voulais le revoir placer une accélération dans la ligne droite, ce qu’il n’avait plus fait lors de ses dernières courses.
Est-ce que c’est plus dur d’être dans la position de devoir défendre son titre cette année ?
Pour moi, le plus dur est de le gagner une fois. Quand c'est fait, c’est écrit noir sur blanc dans les livres. Gagner une deuxième fois est assez rare. Je suis autant motivé que l’an dernier mais beaucoup plus détendu. Maintenant, si "Idao" peut écrire un peu l’histoire, on ne va pas le refuser. L’opposition est de taille. Mais je sens que c’est possible. J’imagine aussi que c’est le sentiment d’un certain nombre de nos adversaires. Beaucoup de chevaux m’ont plu cette année dans les épreuves qualificatives, mais aucun ne m’a impressionné comme Hooker Berry avait pu le faire l’hiver dernier. Je l’avais trouvé au top juste avant le Prix d’Amérique. On a vu beaucoup de bonnes notes cet hiver comme Josh Power, Hussard du Landret, Go On Boy, San Moteur, qui s’est préparé comme son entourage l’a voulu, ou encore Iroise de la Noé.
→ 4 chevaux
→ 1er partant = Vinci Pierji le 8 mai 2012 au Mans
→ 1ère victoire = Vinci Pierji le 8 mai 2012 au Mans
→ 146 courses
→ 51 victoires dont 32 pour Idao de Tillard
→ 74 podiums (victoires comprises)
→ 7 Groupes 1 (Prix de Sélection 2022 / Critérium Continental 2022 / Critérium des 5 Ans 2023 / Prix Ténor de Baune 2023 / Prix d’Amérique Legend Race 2024 / Prix de France Speed Race 2024 / Prix de Sélection-Prix Face Time Bourbon 2024)
Comment vivez-vous cette expérience d’être propriétaire d’un tel champion ?
C’est une sensation un peu bizarre que j’ai du mal à expliquer même à ma famille avec laquelle j’en parle. Il y a comme un petit blocage qui fait que je ne le vis pas à 100 %. Je ne sais pas de quoi ça vient. Peut-être parce que c’est tellement inattendu… Peut-être parce que c’est le fait d’être tombé sur la perle rare... Je n’ai pas de retenue quand "Idao" gagne, j’explose de joie à chaque fois. Mais, intérieurement, il y a ce petit blocage que je ne peux pas expliquer.
Est-ce que vous vous demandez pourquoi ça vous arrive à vous ?
Oui peut-être un peu. Je ne sais pas vraiment…
Quand vous achetez un cheval aux ventes, vous vous projetez bien, non ?
Oui mais à aucun moment je pense au Prix d’Amérique. J’ai l’espoir de toucher un bon cheval, mais ça s’arrête là. Même si un yearling est plaisant à voir, comment voulez-vous savoir ce qu’il va devenir quelques années plus tard ? Mon idée quand j’achète est d’avoir un cheval parisien. Quand j’ai sollicité Thierry Duvaldestin pour acheter un yearling, en l’occurrence Idao de Tillard qu’il est allé voir chez madame Chaunion, c’est parce que j’avais envie de travailler avec lui. À l’époque de l’achat de mon premier cheval, Vinci Pierji, qui a fait carrière chez Matthieu et Loïc Abrivard, j’avais déjà pensé à lui. Comme j’avais réussi avec Matthieu chez qui je voulais absolument avoir un cheval, j’ai eu envie d’essayer avec Thierry.
Peut-on dire que vous êtes né sous une bonne étoile comme propriétaire de chevaux ?
Ah bah oui ! La première fois que ma casaque est apparue sur un hippodrome avec "Vinci", elle a gagné. Cela ne fait aucun doute que je suis né sous une bonne étoile comme propriétaire ! En revanche, ce n’est pas le cas au jeu, moi qui suis turfiste. Mais je ne changerai rien aujourd’hui.
Si Vinci Pierji ne s’était pas déclenché, il n’y aurait pas eu de second achat et donc pas "Idao". C’est sûr et certain !
Vous avez continué à investir ?
J’ai déjà réinvesti et il le faut, c’est normal, car il faut rendre ce que l’on m’a donné. Mais je ne vois pas non plus avec quinze chevaux. Je ne prendrais plus le même plaisir.
En quoi Vinci Pierji a été déterminant dans votre parcours ?
Avec lui, on a tout connu. Si on regarde mes statistiques de propriétaire, on peut penser que cela a toujours été facile. C’est vrai, mon premier cheval a pris plus de 400.000 €. Mais entre son achat (N.D.L.R. : 30.000 € à 2 ans qualifié) et les frais de pensions des premiers mois pendant lesquels il n’a pas couru, le budget que j’avais défini commençait sérieusement à être atteint. J’avais mis de côté pour cet achat pour me faire plaisir, mais je ne me serais jamais mis dans le rouge. Si Vinci Pierji ne s’était pas déclenché, il n’y aurait pas eu de second achat et donc pas "Idao". C’est sûr et certain ! Comme quoi, ça ne tient qu’à un fil. Le cheval de ma vie n’est pas Idao de Tillard mais Vinci Pierji. Évidemment, "Idao" est le champion de ma vie, mais "Vinci" est mon cheval de cœur, c’est comme mon enfant. Je continue à aller le voir régulièrement où il passe sa retraite, chez son ancienne lad. Il se passait toujours quelque chose entre lui et moi quand j’allais le voir dans son box aux courses.
Sans Vinci Pierji, pas d’Idao de Tillard alors ?
Vinci Pierji est le point de départ de tout. Pourtant, cela a été très, très compliqué au début. Dans mon esprit, si on n’était pas entendu comme on l’a fait avec Matthieu et Loïc, ils ne l’auraient pas gardé aussi longtemps. Les premiers retours de l’entraînement étaient négatifs pendant des mois. Ils ont bien fait d’insister. Le cheval s’est déclenché d’un seul coup.
Vous êtes turfiste, une passion transmise par votre grand-père. Le fait de devenir propriétaire vous a-t-il permis d’apprendre des choses ?
Ce n’est pas la même chose. J’ai appris à connaître mes chevaux bien sûr, à mieux comprendre l’entraînement. Mais avant même de devenir propriétaire et d’acheter mon premier cheval, je savais très bien qu’un cheval pouvait ne jamais courir. Ma motivation en devenant propriétaire était d’avoir un jour un cheval avec mes couleurs à Vincennes, au moins une fois. En l’occurrence, mon premier cheval a quasiment fait toute sa carrière à Vincennes. Voir ma casaque à Vincennes pour la première fois m’a fait quelque chose.
Est-ce que c’est un milieu où il est facile de s’intégrer quand on vient des rangs des turfistes ?
Je ne dirais pas que c’est un milieu fermé. Il y a des gens plus ou moins ouverts. Je n’ai jamais ressenti un milieu refermé sur lui-même. Je ne me suis jamais senti comme le malvenu. Je crois que les courses ont besoin de nouveaux propriétaires. Mon exemple montre que c’est possible. C’est aussi le charme du trot. Il faut tenter sa chance sans faire n’importe quoi, car on peut vite partir dans un engrenage. Si j’avais un conseil à donner, car je ne suis pas plus malin que les autres, c’est de se fixer un budget et ne pas le dépasser. C’est en tout cas ce que je retire de mon expérience. Il faut vivre ses rêves. Si je n’avais pas eu de réussite, je n’aurais jamais regretté car j’aurais tenté de vivre mon rêve. J’ai eu beaucoup de chance. J’en suis conscient.
Héritée de son grand-père, la passion des courses de Cyril Sevestre se vit en famille avec son épouse et leurs deux enfants, une fille et un garçon, qui ont pris l'habitude de poser dans le cercle des vainqueurs depuis les premiers succès de Vinci Pierji jusqu'à ceux d'Idao de Tillard. "À la maison, on ne vit que pour ça !", nous disait-il en 2018 à propos de la place des chevaux dans les conversations de la famille Sevestre. La casaque noire et bleue a ainsi été choisie en famille à la suite d'un vote à la majorité. "Vous savez, "Idao" n’est pas à moi, il est aussi à mon épouse et à nos enfants", rappelle régulièrement le propriétaire francilien qui est à la tête d'une entreprise de maçonnerie avec son frère et sa soeur où ils sont pris la succession de leur père.