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Cyrille Buhigné et Lilas Castelle à la conquête de l’Europe | LETROT
Reportage

Cyrille Buhigné et Lilas Castelle à la conquête de l’Europe

10/10/2025 - GRAND FORMAT - 24H au Trot
Lilas Castelle (El Villagio) s’est invitée à la table du Grand Prix de l’UET samedi à Solvalla en décrochant son carton dans l’éliminatoire française où elle a quasiment fait jeu égal avec Lovino Bello (Village Mystic). Achetée yearling 8.000 € par Claude Jorion sur le ring des Ventes de Caen où elle était présentée par le Haras d’Atalante pour le compte de ses éleveurs Thierry et Isabelle Beaudoin, elle ferait presque figure de Petit Poucet du Groupe I européen d’autant que la jument n’est pas bien grande physiquement. Mais ce serait mal connaître la femelle entraînée par Cyrille Buhigné. À une semaine de leur envol pour la Suède pour ce qui sera une première à l'étranger pour eux deux, 24h le Mag est allé à la rencontre du quotidien de Lilas Castelle et de son metteur au point sur le centre d’entraînement de Meslay-du-Maine.
Lilas Castelle - Cyrille Buhigné Lilas Castelle et Cyrille Buhigné - © P. Lefaucheux/PC
Séance d'entraînement sur la piste en sable - © P. Lefaucheux / PC Séance d'entraînement sur la piste en sable - © P. Lefaucheux / PC

Un travail d'équipe

Ses années "Bigeon" ont été très formatrices et il s’en inspire encore aujourd’hui, y compris dans le management de son équipe. "Tom (Beauvais) est un peu comme moi quand j’étais chez Jean-Luc Bigeon. On discute de tout ensemble y compris des engagements." Depuis quelque temps en raison de douleurs récurrentes au niveau des épaules - "il m’arrivait de ne plus sentir mes mains avec des chevaux qui tiraient" -, dont les médecins n’arrivent pas à cerner l’exacte origine et donc le protocole à mettre en place pour y remédier, Cyrille Buhigné assiste en bord de piste au travail de ses pensionnaires et délègue à Tom Beauvais les derniers gros exercices comme en ce premier vendredi d’octobre avec Lilas Castelle. Il ne vit pas cette situation temporaire comme un handicap. "Les résultats suivent, on gagne des courses, souligne-t-il. Chez les trotteurs, on n’a pas l’habitude, mais Jean-Paul Marmion ne monte plus dans un sulky depuis des années avec la réussite que l’on connaît. Quand il a été accidenté l’an dernier, Stéphane Bourlier était aussi en bord de piste et son écurie a obtenu de très bons résultats."

"C’est bien d’avoir de bons chevaux. Mais l’équipe autour de soi est aussi importante".

Le professionnel mayennais tire de cette expérience forcée des points positifs : "Tu vois tous tes chevaux travailler, ce dont j’ai besoin personnellement et ce qui ne peut pas être le cas quand tu es toi-même au sulky. En plus, tu les vois d’une autre manière. Je n’ai pas besoin d’être assis derrière un cheval pour avoir le ressenti, que ce soit au niveau de l’enrênement ou de la ferrure. On arrive ainsi à régler des choses par ce travail d’observation avec les gars. Le travail d’équipe prend ainsi tout son sens. Que ce soit Tom, Jean-Louis (Cotty) et Régis (Fleury), j’ai besoin de leurs avis. C’est bien d’avoir de bons chevaux. Mais l’équipe autour de soi est aussi importante".


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Coup de projecteur sur le centre de Meslay-du-Maine
Cela fait dix-neuf ans que Cyrille Buhigné s’est installé sur le centre d’entraînement de l'hippodrome de Meslay-du-Maine. "On avait cherché un établissement à acheter sans trouver. Meslay avait ce côté pratique, raconte-t-il. On a finalement acheté quinze hectares à cinq minutes d'ici. Mais on a continué à louer des boxes sur le centre. Le principal avantage est de ne pas à avoir à entretenir les pistes qui sont arrosées et hersées toutes les heures. On a accès à deux pistes tous les jours, l’une de mille mètres en sable et l’autre, la piste en mâchefer de l’hippodrome qui fait mille six cents mètres. Après, sur un centre d'entraînement, il faut accepter la vie en collectivité et que tout le monde se respecte sur les pistes." Les cent boxes du centre affiche complet comme toujours quasiment, alors que l'on estime entre 120 et 140 le nombre de chevaux qui s'entraînent. Outre Cyrille Buhigné, qui tourne avec un effectif moyen d'une trentaine de chevaux dont la moitié de poulains, Corentin Ferré, Guillaume Marin, Johnny Sevin, Fabrice Quittet, David Garcias et Marine Beudard sont locataires, alors que Benoît Carpentier, dont l'établissement est le plus proche voisin de l'hippodrome, travaille aussi quotidiennement ses chevaux sur les pistes.
Lilas Castelle à l'exercice avec Tom Beauvais - © P. Lefaucheux / PC Lilas Castelle à l'exercice avec Tom Beauvais - © P. Lefaucheux / PC
Deux Groupes I sinon rien !
C'est un samedi très particulier que s'apprête à vivre l'écurie mayennaise avec deux partants dans des Groupes I en l'espace de vingt minutes et à deux mille kilomètres de distance ! Alors que Lilas Castelle aura tout juste couru à Solvalla, Manhattan Roussac entrera en piste à Caen pour disputer le Saint-Léger des Trotteurs où il débutera dans la spécialité de l'Étrier. "C'est un pari amusant, en dit son entraîneur. On l'a essayé sous la selle et il m'a surpris car il n'a pas trop de modèle pour porter l'homme. Mais il est plus motivé au monté qu'à l'attelé. Il a très bien travaillé en fin de semaine dernière avec Martial Viel qui le monte samedi. Ça me fait plaisir pour Martial que j'ai connu môme chez son père, "Dédé", quand j'allais chez eux, alors que j'étais moi-même adolescent." Et Cyrille Buhigné d'ajouter : "J'ai gagné mon premier Groupe I avec un cheval à 160/1, peut-être que je vais gagner le deuxième à 200/1...". À Solvalla ou à Caen ? "Je ne sais pas", répond-il en souriant.

"Lilas" et sa vitesse

Cette équipe a façonné Lilas Castelle comme avant celle-ci Jag Stryck (Bretigny), également partant à Caen samedi, deux chevaux qui se sont hissés au niveau des Groupes I. "Chaque année, je débourre beaucoup de poulains pour essayer justement de tomber sur des chevaux comme eux. Chez les "M" comme chez les "N", on a débourré quarante chevaux et qualifié une quinzaine. Ça m’intéresse de faire des 2 ans. J’aime les façonner et leur apprendre à courir", explique Cyrille Buhigné, très méticuleux dans la mise au point de ses pensionnaires. Avec la fille d’El Villagio, il a très vite détecté une qualité essentielle : son jeu de jambes. "Elle a toujours eu cette vélocité. Le jour de sa qualification, à Meslay, Guillaume Marin à qui je l’avais confiée avait été impressionné dès son heat, rappelle-t-il. Elle a un changement de vitesse hors normes. C’est pour cela que je dis qu’elle a le profil pour réussir à l’étranger."

"Lilas Castelle a un changement de vitesse hors normes. C’est pour cela que je dis qu’elle a le profil pour réussir à l’étranger".

Cette vitesse innée se combine en cette année de 4 ans pour Lilas Castelle à un physique qui se dessine mois après mois et un mental qui s’est forgé au fil des courses comme l’explique son mentor : "Elle qui manquait un peu de dos a pris de l’état cette année et ne cesse de s’embellir. Mentalement, elle s’affirme aussi et devient plus combative qu’elle ne l’était. C’est même vrai au box. Les courses lui ont permis de prendre cette maturité". S’il aime sortir des 2 ans, Cyrille Buhigné ne cherche pas à brûler les étapes pour autant."On a respecté la jument en la courant en dedans comme on le fait toujours avec nos poulains, détaille-t-il. On passe sûrement à côté de quelques victoires en pratiquant ainsi, mais on ne leur fait pas mal mentalement. "Lilas" a participé à la première course de 2 ans des Sables-d’Olonne (N.D.L.R. : elle s’était montrée fautive à l’entrée du premier tournant d’une épreuve remportée par Lovino Bello, l’un des leaders de sa génération, qui vient de la devancer de peu dans l’éliminatoire) et est toujours là." Il semble même qu’elle n’a jamais été aussi forte. "Sa dernière course l’a mise en éveil, commente Tom Beauvais. Elle est mieux qu’avant l’éliminatoire."


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"Sa dernière course l'a mise en éveil. Elle est mieux qu'avant l'éliminatoire". (Tom Beauvais)

Vendredi dernier, le travail a constitué en deux parcours de 3.000 mètres sur la piste en sable. "C’est un travail soutenu afin qu’elle soit bien souffle. On n’a pas besoin de travailler la vitesse, ajoute Cyrille Buhigné, surtout qu’elle vient de courir 1'09''7. Elle était très tonique et très souple." Cette première expérience à l’étranger est aussi rendue possible par le tempérament de la jument. "Elle est toujours zen. Quand on va à Vincennes, elle est tellement calme que tu te demandes si elle est dans le camion. C’est pour cela que ce déplacement à l’étranger en avion ne me soucie pas." Il n’empêche que Cyrille Buhigné attendra l’arrivée de Lilas Castelle avec impatience et fébrilité mêlées ce vendredi sur l’hippodrome de Solvalla où il sera sur place avant la jument qui se sera envolée de Deauville avec les autres tricolores.

Les "Castelle" : de "Ludo" à "Lilas"
Quand, au début des années 2000 chez Jean-Luc Bigeon, il s’occupe de Ludo de Castelle, avec lequel il termina deuxième du Critérium de Vitesse de Basse-Normandie, Cyrille Buhigné ne sait pas que son parcours professionnel va le mener une vingtaine d’année plus tard et la génération suivante de "L" à s’occuper d’une autre "Castelle" élevée par la famille Beaudoin. "Sans le savoir, je travaillais déjà avec eux", en sourit-il. " Cyrille Buhigné a ainsi appris à mieux connaître les éleveurs normands. "Aux ventes, on se présente toujours aux nouveaux propriétaires et on essaye d’avoir des infos auprès des entraîneurs chez qui vont nos produits. On tient à ces renseignements qui sont importants à nos yeux", nous avaient confié Thierry et Isabelle Beaudoin il y a quelque temps.
"Ludo" et "Lilas" ont un label en commun mais pas seulement. Il s’agit aussi de deux descendants de la matrone Rive de Vire (Jorky), la mère du premier, lequel est aussi un frère de la classique Miss Castelle (Goetmals Wood), et la quatrième mère de la seconde. Installé au Ménil-Froger, dans l’Orne, sur une exploitation où se côtoient chevaux et vaches, cet élevage est donc de nouveau sous le feu de l’actualité. Lors des récentes ventes de yearlings à Deauville, Thierry et Isabelle Beaudoin ont en effet vendu le mâle One Time Castelle (Golden Bridge), un frère utérin de Lilas Castelle, et la femelle Origine Castelle (Idao De Tillard), autre descendante de Rive de Vire, tous deux présentés par le Haras d’Atalante, respectivement 92.000 € et 87.000 €. Les deux bons d’achat ont été signés par Thierry Duvaldestin, mentor de Miss Castelle.

 


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