Jag de Bellouet, on l'appelait le "Cannibale"

Sa vie au Haras de la Cour

Emmanuelle Couetil aura veillé sur le crack jusqu'à son dernier souffle. Elle a accepté de nous expliquer les circonstances de sa disparition : "Ce matin, "Jag" n’a pas été bien d’un coup. Nous avons aussitôt appelé les vétérinaires qui l’ont mis sous perfusion. Les résultats de la prise de sang étaient malheureusement très mauvais. Devant cette situation, ils nous ont conseillé de l’euthanasier pour qu’il ne souffre pas.

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Cela faisait vingt ans qu’il était chez nous au Haras de la Cour. Sa première saison de monte à la maison (NDLR : il avait sailli précédemment en 2001 et 2002, ses premiers produits étant les "O" nés en 2002) a été en effet en 2004. Après avoir la fin de sa carrière d’étalon, il est resté au haras. Quand vous avez un cheval pendant vingt ans à vos côtés, vous vous y attachez, qu’importe son palmarès. Il avait beaucoup vieilli depuis l’an dernier alors que nous l’avions présenté à Vincennes il y a deux ans lors de la Parade des Champions le jour du Prix d’Amérique où il était bien physiquement. À 28 ans, c’était évidemment un cheval vieillissant. On a fait à ses côtés un joli bout de chemin. C’est une page qui se tourne. Au quotidien, il était sympa à s’occuper, même s’il avait son caractère. C’était un gentil cheval. Il était surtout très voyant, ce qu’il a d’ailleurs souvent transmis à sa production.
Il y a tellement de grands souvenirs, liés à sa carrière de course bien sûr mais aussi depuis qu’il était au haras, qu’il m’est difficile de détacher un souvenir plus qu’un autre. On a vécu des choses extraordinaires. Un tel cheval marque une vie. Je pense qu’il a marqué beaucoup de vies, celles de tous ceux qui l’ont côtoyé de près. Je pense ainsi à son vétérinaire Alain Beaumont (NDLR : Alain Beaumont, qui nous a quittés en 2020, était aussi l’éleveur entre autres de Cleangame, dont la mère était une fille de Jag de Bellouet) qui a été profondément marqué par "Jag"."

"Cela faisait vingt ans qu’il était chez nous au Haras de la Cour". (Emmanuelle Couétil)

Matthieu Abrivard : "C'était une machine"

"J'ai eu la chance de lui être associé juste après mon passage dans le rang des professionnels. C'est lui qui a lancé ma carrière. Il était capable de faire des choses très impressionnantes en course et sur toutes les distances. C'était une machine et très intelligent de surcroît. Il savait lire et écrire. Il répondait toujours à mes sollicitations en course mais n'en faisait pas plus. Souvent, Christophe me demandait de l'appuyer jusqu'à la sortie des heats car sinon il s'arrêtait dès le poteau passé et ne faisait pas la récupération nécessaire. Sa dernière victoire dans le Cornulier restera sûrement mon plus beau souvenir car nous étions peut-être moins attendus et il s'était envolé. C'est également la première fois où j'utilisais les artifices car les fois précédentes, j'étais emballé. Ses victoires à l'attelage étaient impressionnantes, son mano à mano avec Kesaco Phedo dans le Prix de l'Atlantique était magnifique. Jag ? Il faisait partie de la famille."

La réaction de Michel Gallier
"Même s’il avait 28 ans, c’est dur de savoir qu’il n’est plus là. Je suis ému. On ne pouvait pas le laisser souffrir. C’est un cheval qui comprenait tout. Il avait une âme. Il avait un mental exceptionnel mais aussi un physique que j’ai très souvent manipulé et massé. C’est dur. Il faut continuer à vivre. J’ai eu de la réussite aussi avec des produits, que ce soit Opus Viervil, Vittel De Brevol ou encore Granvillaise Bleue. Il fallait comprendre ses produits, beaucoup ne les ont pas compris. Ce ne sont pas des chevaux précoces."

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Son empreinte au haras
Jag de Bellouet, trotteur polyvalent, une fois étalon, a beaucoup tracé au monté, léguant ses gènes et son aptitude de performer sous la selle.
En la matière, Granvillaise Bleue 1’09’’ m. est son chef-d’œuvre, lauréate du Prix des Centaures (Groupe I) et à l’arrivée du Prix de Cornulier (Groupe I) à trois reprises, deux fois deuxième, en 2022 et en 2023, puis quatrième, cette année. Propre frère de Granvillaise Bleue, Vittel de Brévol 1’12’’ m. est un autre de ses grands vainqueurs sous la selle, à la tête d’un Prix de Normandie (Groupe I). D’autres pourraient être cités, tels Durzie 1’12’’ m., encore une gagnante du Prix de Normandie (Groupe I), Tornade Du Digeon 1’11’’ m. (deuxième du « Cornulier »), Gold Voice 1’10’’ m. (Prix du Calvados), Tornado Bello 1’12’’ m. (Prix Camille Lepecq), Paladin Bleu 1’10’’ (Prix du Pontavice de Heussey), etc. Pour autant, la contribution attelée de Jag de Bellouet n’est pas à négliger, avec les Chica De Joudes 1’10’’, Uniflosa Bella 1’10’’, Very Nice Marceaux 1’10’’, Opus Viervil 1’11’’, Soleil Du Fosse 1’11’’, Vulcain De Vandel 1’11’’, Real De Lou 1’11’’ et autres. D’une manière générale, Jag de Bellouet transmettait ses qualités de dureté et d’abnégation ; de grand cheval tardif, aussi, donnant des sujets qu’il fallait savoir attendre, mais qui vous le rendaient au centuple.