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Philippe Beauvisage : "J'aime les challenges" | LETROT
Interview

Philippe Beauvisage : "J'aime les challenges"

14/02/2025 - GRAND FORMAT - 24H au Trot
Il ne manque plus qu’une victoire dans un Groupe I pour que la casaque rayée blanc et bleu de Philippe Beauvisage ne devienne classique, ce que pourrait lui apporter dimanche Mack de Blary (Face Time Bourbon) dans le Prix Comte Pierre de Montesson-Critérium des Jeunes. Depuis plusieurs saisons, ces couleurs sont devenues de plus en plus familières des amateurs de trot. De Carnaval du Vivier à Katinka du Mouchel, de Dorgali à Mack de Blary, ce propriétaire nordiste a développé une écurie raisonnée et performante, avec près de 23 % de réussite à la gagne, sans brûler les étapes mais tout en cherchant continuellement à progresser et à viser toujours plus haut.
Philippe Beauvisage Philippe Beauvisage - © ScoopDyga
Mack de Blary sera au départ dimanche du Critérium des Jeunes - © Aprh Mack de Blary sera au départ dimanche du Critérium des Jeunes - © Aprh

Est-ce vrai aussi par rapport à votre parcours professionnel ?
Oui. À la base, j’étais agriculteur. En parallèle, j’exerçais beaucoup de responsabilités politiques, étant maire très jeune d’ailleurs d’une commune près d’Abbeville, président de communauté de communes et vice-président de conseil général. Mon fils n’étant pas très intéressé par prendre la suite de notre exploitation, nous nous en sommes séparés. Mais, comme je ne suis pas du genre à rester très longtemps inactif, j’ai eu l’opportunité Il y a une vingtaine d’années de reprendre une entreprise à redresser dans le secteur du transport et de la logistique, alors que je n’étais pas de la partie. J’ai acheté cette société qui était en règlement judiciaire. Cela a permis de sauver 70 emplois, puis je me suis vraiment investi. Le challenge a été relevé et, en une dizaine d’années, j’ai créé 400 emplois. Je m’en suis séparé il y a quatre ou cinq ans maintenant. J’aime les challenges et dans les chevaux c’est un peu ça.


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Pouvez-vous développer ?
Quand on gagne quelques courses en province, ça donne envie de réussir à Vincennes et ainsi de suite. Pourquoi ne pas aller plus loin ? Ça ne fonctionne pas à tous les coups, mais c’est dans ma nature de se fixer des objectifs et d’essayer de les tenir, se fixer des choses un peu à l’avance pour là où on veut aller. Rapidement avec les chevaux quand vous en avez, vous voulez gagner des courses, d’abord sur les hippodromes autour de chez vous où vous prenez beaucoup de plaisir, puis c’est Vincennes, le temple du trot. Quand vous commencez à gagner à Vincennes, vous pensez à courir des Groupes. C’était très bien de gagner à Vincennes au début, maintenant ce n’est plus suffisant.

"C’était très bien de gagner à Vincennes au début, maintenant ce n’est plus suffisant." (Philippe Beauvisage)

Concrètement, comment cette évolution s’est-elle faite ?
La rencontre avec Thierry Duvaldestin a beaucoup participé à cela. Elle a été déterminante pour arriver à ce niveau.

À vos yeux, quelles sont les qualités de Thierry Duvaldestin ?
C’est un grand professionnel. C’est surtout un metteur au point exceptionnel. Il comprend très vite le cheval qu’il a entre les mains et sait gérer la carrière d’un cheval. Je le vois encore avec Mack de Blary. On court dimanche le Critérium des Jeunes, ce qui est très bien. S’il fait un bon résultat, ce serait encore mieux, mais c'est un cheval que l'on voit plutôt dans la durée. Il n’est pas forcément précoce, mais il l’est un peu quand même.

Philippe Beauvisage et Thierry Duvaldestin après un succès à Vincennes - © ScoopDyga Philippe Beauvisage et Thierry Duvaldestin après un succès à Vincennes - © ScoopDyga

Comment vous êtes-vous rencontrés ?
C’est assez exceptionnel... J’avais un ami alors Président de l’UPECT qui organisait un voyage pour aller voir l’Hambletonian aux États-Unis. Je commençais à avoir des chevaux et cela m’a intéressé. Parmi les professionnels présents, il y avait Thierry que je n’avais jamais vu et qui était en famille. Nos premières conversations ont donc eu lieu à New York ! Au moins trois ans après, comme je voulais franchir un cap en ayant des chevaux pour courir à Vincennes, j’ai repris contact avec lui via Clément qui était encore apprenti et que j’avais croisé sur un hippodrome. Jusque-là, j’avais mes chevaux chez Guy Verva grâce auquel j’ai pu commencer mon chemin dans ce milieu. C’’est lui qui l’a trouvé mes premiers poulains, comme Carnaval Du Vivier mais aussi Dorgali. Je ne l’oublie pas.

Pourquoi avoir attendu quelques années avant de reprendre contact avec Thierry Duvaldestin ?
Peut-être parce que c’était un peu tôt à l’époque où l’on a fait connaissance. Dans ma professionnelle, j’ai toujours fonctionné étape par étape. C’est pareil dans les chevaux. J’aurais pu investir des sommes plus importantes au début de mes acquisitions. Mais je n’aime pas investir rapidement dans un milieu que je ne connais pas. Je veux apprendre d’abord à connaître le milieu.


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Est-ce que ce milieu est facile à découvrir ?
Ce n’est pas facile, mais j’ai eu la chance de rencontrer Jean-Yves Lécuyer. C’est quelqu’un que j’ai beaucoup apprécié. Tous les ans, on allait chez lui pour voir et acheter des poulains dans les pâtures.

"J’avais un ami alors Président de l’UPECT qui organisait un voyage pour aller voir l’Hambletonian aux États-Unis. Je commençais à avoir des chevaux et cela m’a intéressé. Parmi les professionnels présents, il y avait Thierry que je n’avais jamais vu et qui était en famille. Nos premières conversations ont donc eu lieu à New York !" (Philippe Beauvisage)

Gérez-vous votre écurie dont l’effectif est composé d’une quinzaine de chevaux à courir comme vous gériez votre entreprise ?
Oui. Je la gère comme une entreprise. On a entre douze et quinze chevaux prêts à courir auxquels il faut ajouter les jeunes. Chaque année, j’essaye d’investir dans cinq à huit poulains et pouliches, soit aux ventes, soit directement chez les éleveurs. J’aime bien d’ailleurs aller découvrir les yearlings dans les prés. Cela me ramène à mes origines agricoles. C’est un peu un retour aux sources.

Faites-vous des parallèles entre le monde de l’entreprise et celui des courses ?
Pas vraiment. J’ai maintenant un certain âge et que je ne vois plus les choses de la même façon. Avec mon entreprise, il fallait avoir des résultats. Aujourd’hui, je cherche avant tout avec mon écurie qu’elle s’auto-finance à peu près. Après, un cheval peut très rapidement faire la différence. Quand vous avez une cinquantaine d’années et que vous dirigez une entreprise, le résultat est obligatoire, surtout quand vous avez des centaines de salariés. Avec les chevaux, cela ne concerne que moi. Je ne suis pas responsable de salariés. Ma vie professionnelle me donne une expérience sur laquelle je peux me reposer. Sans ce parcours professionnel, je n’aurais sûrement pas fait de la même façon ce parcours dans les chevaux. J’aurais peut-être moins investi. Si j’ai investi, c’est parce que j’avais une expérience professionnelle. Maintenant, il y a forcément des choses qui vous échappent quand vous travaillez de la manière vivante comme le sont les chevaux. Du jour au lendemain, alors que tout va très bien, on peut vous appeler pour vous dire que votre cheval a un problème de santé.

Est-ce facile à accepter ?
Ça fait mal au cœur mais il faut savoir être très patient. Les chevaux m’ont d’ailleurs appris la patience. Je suis certainement beaucoup plus patient qu’avant.

Votre plaisir est-il le même quand vous êtes associé sur des chevaux comme Mack de Blary ?
Grâce à cela, j’ai rencontré Jan Kumpen (Écurie Olmenhof) qui est devenu un ami après l’achat en commun de Mack de Blary. Ce jour-là, à Deauville, nous étions tous les deux enchérisseurs sur ce poulain et on s’est dit qu’il valait peut-être mieux s’associer pour l’avoir. Ça s’est fait naturellement. Depuis, chaque année, nous achetons un yearling ensemble aux ventes, comme l’été dernier avec un autre fils de Face Time Bourbon. Je suis toujours partant pour m’associer avec quelqu’un d’aussi sympathique que Jan. Je n’en suis pas encore à son niveau, car lui a déjà gagné Groupe 1 même s’il a dû longtemps patienté avant d’y arriver en France. Les courses m’ont permis de découvrir un nouvel univers que je n’aurais jamais connu si je n’avais pas eu de chevaux. Moi qui aime le contact et rencontrer de nouvelles personnes, ce qui avait entre autres motivé mon parcours en politique, je retrouve cela avec les courses.


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