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Vaccares II, le jeune phénomène | LETROT
Les champions du passé

Vaccares II, le jeune phénomène

13/07/2025 - PORTRAITS - SETF - Jacques Pauc
Dans la série des surdoués qui ont vu leur carrière de course plus ou moins ratée, Vaccarès II a sa place, car on parlait de lui à 3 ans comme d’un phénomène. Or, en se montrant souvent fautif, il ne confirma pas vraiment à 4 ans avant d’arrêter sa carrière l’année suivante. C’est l’histoire de ce champion de l’Écurie Levesque que nous allons conter.
Vaccares II ©DR - Vaccares II
©DR - Vaccares II ©DR - Vaccares II

LE FAUVE MAGNIFIQUE

Vaccarès II devint cependant plus nerveux en course, se montrant souvent fautif. Même si, lors de sa neuvième sortie, il subit sa première défaite dans le Prix de Tonnac-Villeneuve au début de sa quatrième année (le 19 janvier 1969), sans commettre la moindre incartade. Venu en tête après quatre cents mètres, il ne put résister à l’attaque du petit Vat (drivé par Jean Riaud) qui vint lui prendre une tête sur le poteau, tous deux rendant 25 m. et réussissant 1’19’’9 (2 625 m. - GP). Vismie et Vinci II se classaient à distance. Toujours face à l’élite de sa promotion, Vaccarès II subit une deuxième défaite quinze jours plus tard dans le Prix Jules Thibault (2 350 m. -GP). Rendant 25 m. avec Vat, il s’élança très vite et rejoignit les animateurs dans la montée, mais il fut débordé à la fin par Vismie, partie au premier poteau, et Vat. Là encore, il n’avait pas commis de faute.

En revanche, lors de sa sortie suivante dans un Prix de Sélection qui n’avait réuni que cinq partants (Vat et lui s’élançant au premier poteau, Tidalium Pélo, Tony M et Upsalin leur rendant cinquante mètres), il se mit au galop et fut disqualifié. Pour sa part, Vat parvint à résister à Tidalium Pélo à la fin. Puis, ce fut une nouvelle incartade pour sa rentrée en avril dans le Prix Phaëton (9ème), suivie de trois victoires (Critérium des 4 Ans, une course montée à Laval et Prix Lavater). Le "fauve magnifique", comme l’avait surnommé Jacques Orliaguet dans Paris-Turf, semblait dompté. On se trompait. Dans le Prix du Président de la République qui semblait ne devoir être qu’une formalité pour lui, il se mit, en effet, au galop peu après le départ, récidivant aux tribunes où il était disqualifié, Voltigeur VII l’emportant devant Voltaire H et Virlux

Nouvelle disqualification au mois d’août suivant au monté (Prix Cénéri- Forcinal) et à l’attelage (CritériumContinental), puis il fit encore  des siennes dans le Prix de l’Étoile (terminant 6ème loin d’Une de Mai). Ce jour-là, Roger Baudron le drivait (Jean-René Gougeon devant mener sa pensionnaire Une de Mai) et il fut aussi à son sulky lors de sa course suivante (Prix Guy Le Gonidec) où Vaccarès II fut disqualifié après avoir émaillé son parcours de fautes. Rien n’allait plus…

Au sujet de ses fautes, Roger Baudron fait la réflexion suivante : "Il était devenu nerveux en course. Mais, à cette époque, il faut savoir qu’on n’avait pas le droit de faire de heat comme aujourd’hui. À mon avis, s’il avait pu en faire, cela aurait changé la donne pour Vaccarès II, car il s’était mis à tirer en course comme au canter. Je me souviens d’ailleurs l’avoir vu tirer au canter avec Jean-René Gougeon au point alors de faire presque une course, et malgré cela il avait gagné juste après ! C’était vraiment un cheval de grande classe qui a dû « péter les plombs » un jour je ne sais pas pourquoi. Il aurait pu faire une grande carrière mais, à l’époque, les conditions ne s’y prêtaient pas sans doute".


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Henry-Louis Levesque, qui a drivé Vaccarès II à l’entraînement, eut le jugement suivant : "À mon humble avis, il devait souffrir, étant un peu "pauvre" de squelette, car il était gentil à la maison, au travail aussi. Je l’ai entraîné parfois et je vous garantis qu’il n’était pas difficile. À son sulky, on avait une impression de puissance extraordinaire. Il était grand, avec une largeur de bassin énorme. Il avait de grandes allures, mais ne relevait pas beaucoup. Et, contrairement à d’autres chevaux qu’on a eus, on en faisait ce qu’on voulait. Il n’était pas embouché dur et n’avait pas de lasso. Je ne sais pas s’il souffrait du dos, des jambes ou des pieds, mais il souffrait, j’en suis persuadé. Il tirait et était devenu difficile dans la bouche en compétition, car il se défendait comme tous les chevaux qui souffrent. Ainsi, lorsque la course arrivait, il savait ce qui l’attendait. Il avait une telle puissance, une telle force qu’il se défendait en les utilisant. C’est pourquoi il a eu la réputation d’un cheval difficile ». 

Et Jean Levesque de dire de son côté : "Pour moi, Vaccarès II était tout de même un peu caractériel. Il était devenu spécial en course où il ne fallait pas le contrarier, pas le commander, le laisser au bout des doigts. Il fallait le laisser faire. Comme mon père l’avait fait dans le Critérium des 4 Ans".

©DR - Vaccares II ©DR - Vaccares II

LE CRITÉRIUM DES 4 ANS

Il est vrai que Vaccarès II réussit un exploit dans le Critérium des 4 Ans où Henri Levesque avait repris sa place au sulky. Le cheval restait sur trois disqualifications et un dernier parcours où il avait perdu toute chance sur une faute. Le doute s’était donc installé… Vaccarès II était-il en train de "tourner au vinaigre" ? Dans le Critérium des 4 Ans, il partait cependant deuxième favori derrière le régulier Vat que Mills avait confié au grand driver allemand Johannes Frömming. Le départ avait lieu derrière l’autostart et Vaccarès II réussit à s’extraire rapidement du peloton pour prendre la tête et mener à bonne allure, alors que Vat était pointé en queue de peloton. Plus la course avançait, plus on se demandait si le cheval allait s’enlever en cas d’attaques de ses rivaux. Or, Vaccarès II, muni d’un bonnet fermé et trottant en force, allait se révéler inapprochable. Seul Vat plaçant une pointe de vitesse foudroyante mais tardive réussit à revenir sur lui, sans pouvoir le remonter. Vaccarès II s’imposa en 1’19’’8 (2 800 m. - GP - autostart) devant Vat, Volnay II, Verdict et Vismie.

C’était évidemment la joie dans le clan Levesque. "Mon père s’en servait très bien, il avait une main douce et il ne cherchait pas à le dominer, laissant plutôt au cheval l’impression que c’était lui qui dominait, décrit Jean Levesque. Tous les anciens de cette époque ont dit que la plus belle course qu’ils avaient vu faire à mon père était cette victoire avec Vaccarès II. Ce jour-là, bien parti, il n’avait pas touché à la bouche du cheval, il avait fait le parcours sans bouger les mains. Et le cheval n’avait pas bougé !"

Henry-Louis Levesque, présent aussi ce jour-là, se remémore : "Avant le Critérium des 4 Ans, mon père avait fait tous les jours un grand travail avec son cheval. Il voulait le mettre « aux boutons » et, le jour J, il l’avait été du départ à l’arrivée ! Oui, c’est la course qu’il a le plus mérité de gagner".

On  l’a vu, Vaccarès II reprit ensuite ses mauvaises habitudes et terminé sa carrière de courses par deux places de troisième au monté, avec Jean Mary, dans les Prix Jacques Olry et Léon Tacquet, remportés par Valmont. Son ultime sortie eut donc lieu le 25 janvier 1970, au début de sa cinquième année, cette carrière de course écourtée laissant de grands regrets à ceux qui l’ont vu courir. Avec un trotteur de cette classe, on pouvait, en effet, rêver au Prix d’Amérique ou au Prix de Cornulier.

« M. HENRI » AVAIT VOULU LE VENDRE

Mais il était écrit que l’histoire de Vaccarès II devait mal se finir. Entré jeune au haras, il devait s’y révéler décevant, en France comme en Italie, et mourut relativement jeune. Vaccarès II n’eut que deux productions en France : Karès 1’17’’ et Le Valet d’Atout 1’19’’ (4ème Prix René Palyart) pouvant seulement être cités, alors qu’il ne donna rien de vraiment notable en Italie où Henri Levesque l’avait loué comme étalon. À ce sujet, Maurice de Folleville, son gendre, avait raconté : "Mon beau-père était très commerçant et m’avait dit avoir voulu vendre le cheval aux Italiens comme étalon après une période de location. Mais, des membres de la famille n’avaient pas voulu et il l’avait alors repris en France".


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La légende dit qu’un jour Henri Levesque avait fait essayer Vaccarès II à un driver italien sur la piste (de 1 000 mètres) de Milan et que le cheval avait eu du mal à prendre les tournants tellement il allait vite... Cela accentua évidemment la réputation de "fenomeno" du cheval… et le désir des Italiens de l’acheter ! » Jean Levesque confirmera : "Oui, il voulait leur vendre. Mon père achetait, vendait, il adorait cela. C’était un grand commerçant, mais ma mère était très conservatrice !".

Sans doute aussi Henri Levesque n’avait-il pas une grande confiance en Vaccarès II comme étalon, pas plus qu’il n’en avait eu avec Oscar RL (un champion aux allures parfois bizarres) qu’il loua en Suède comme étalon ou Upsalin (vendu en Italie) qu’il avait su « fabriquer ». Il avait cédé aussi aux Italiens Icare IV, dont l’origine était fausse, comme le révélera Jean Levesque plus tard (ce n’était pas un fils du bon étalon Javari comme indiqué officiellement mais d’Aristo) et également Sans Atout II. Certes, tous étaient des champions sur les pistes, mais il avait vu juste, car aucun n’a vraiment réussi au haras.

En revanche, Henri Levesque avait acheté Sabi Pas à 4 ans, le gardant chez lui comme étalon, le cheval ayant bien produit, à l’image (à un degré moindre) de Bellouet qu’il avait acheté en cours de carrière de course et conservé au haras.

C’était le signe de son feeling avec les chevaux et de son intelligence, même s’il n’était pas infaillible bien sûr. Il n’en reste pas moins que Vaccarès II aura marqué les esprits par son style dévastateur, tout en puissance, comme avec son côté indomptable.

Ainsi Jean-René Gougeon en avait-il dit : "C’était un "drôle de coco". Il tirait beaucoup mais quelle classe ! Plus maniable, il aurait fait de grandes choses. Il était très tendu au départ et il lui fallait bien trois ou quatre cents mètres pour se détendre. Il fallait alors le laisser faire". Jean Levesque résumera enfin : "C’était un grand trotteur qui avait été très bon tout de suite, avec des allures naturelles. Par exemple, Upsalin était moins doué que lui, plus "fabriqué". Il avait moins de facilité dans son action que Vaccarès II, moins d’aisance, moins de passage quand il trottait, mais il était plus brave".

Un jour au travail à Grosbois, on avait vu Vaccarès II (alors âgé de 4 ans) faire l’extérieur de ses aînés Roquépine et Upsalin (deux vainqueurs de Prix d’Amérique) et il allait mieux qu’eux… Alors, si, avec Vaccarès II, "M. Henri" ne put atteindre le sommet, tous deux sont tout de même restés dans les souvenirs des afficionados du trot. Cela vaut bien une ligne ou deux de plus dans leurs palmarès.


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