Comme l'an dernier, le meilleur a gagné. Idao de Tillard (Severino) remporte son deuxième Prix d'Amérique Legend Race consécutif et permet à son mentor Thierry Duvaldestin de rejoindre, parmi les entraîneurs en activité, Sébastien Guarato dans le cercle fermé des quadruples vainqueurs de l'épreuve. Un an après le succès d'Idao lui-même, c'est l'heure de la victoire de l'entraîneur Thierry Duvaldestin, central dans des prises de décision et notamment celle de déferrer son champion, toujours le plus fort mais moins que l'an dernier. Just Love You (Love You) est deuxième devant Go On Boy (Password).
Une émotion différente mais aussi forte
Que ce soit Cyril Sevestre ou Françoise Chaunion, le propriétaire et l'éleveuse du nouveau double tenant du titre du Prix d'Amérique Legend Race, ils ont vécu la défense du titre du champion avec une même intensité. "L’émotion est différente de l’an dernier, mais c’est aussi fort", lâche ainsi le premier à sa descente de podium les yeux embués.
"Thierry (Duvaldestin) a voulu prendre ce risque, bien lui en a pris !" Cyril Sevestre
En écho, l'éleveuse normande confie : "La sensation est complètement différente de l’an dernier, mais j’avais très envie de remonter sur le podium ! C’est merveilleux, on a fait le doublé !". Cette notion est évidemment au coeur aussi des sentiments du propriétaire francilien : "Il est maintenant double vainqueur de Prix d’Amérique. Quand on voit les chronos qu’il faut réaliser pour gagner de nos jours, c’est très compliqué. C’est important pour le cheval car il sort de l’ordinaire à tous les niveaux. Être deux fois au palmarès montre définitivement qu’il est exceptionnel".
Pour l'un et l'autre, la question du déferrage a été aussi l'un des interrogations des derniers jours. "J’étais confiant, dit ainsi le Cyril Sevestre. Mais j'avoue que j’étais quand même un peu moins serein après la déclaration de partants quand j’ai vu qu’il était déferré. Thierry (Duvaldestin) a voulu prendre ce risque, bien lui en a pris ! Maintenant, c’est une arme de plus que l’on a dans notre jeu."
D'où vient-il ?
Idao de Tillard provient de l’élevage de Francoise Chaunion. Vendu 27.000 euros yearling sur le ring de Caen, il est le fruit du rapprochement de deux gagnants de Critérium Continental (Gr.I),
Sévérino 1’11’’, son père – un "Tillard", même si son nom ne l’indique pas –, et
Classe De Tillard 1’12’’ (
Workahoklic), sa grand-mère. Avant "Idao", ces deux-là étaient deux des trois meilleurs représentants de l’élevage maison, le troisième étant le millionnaire
Bonheur De Tillard 1’11’’ (
Podosis).
Une mixité entérinée et des challenges à venir
Idao de Tillard 1’09’’ devient, ce jour, le dix-neuvième double vainqueur du Prix d’Amérique Legend Race (N.D.L.R voir ci-dessous). Il a 7 ans et il lui reste encore du temps pour, éventuellement, améliorer son score et entrer dans le cercle, tout de même fermé, des triples lauréats de la course, constitué, pour l’heure, d’Uranie (1926, 1927, 1928), de Roquépine (1966, 1967, 1968) et de Bellino Ii (1975, 1976, 1977). Quant à Ourasi, il peut compter jusqu’à quatre, en la matière (1986, 1987, 1988, 1990). Encore des challenges à venir, donc, pour "Idao"…
En termes d’élevage, Idao de Tillard se partage entre influences françaises et américaines. Il a le vrai profil d’un cheval de Prix d’Amérique, en ce qu’il concentre, dans son pedigree, les caractéristiques des deux races ; or, qu’est-ce que le Prix d’Amérique, sinon un championnat aux couleurs de l’Amérique, qui l’inspire, et de la France, qui l’accueille Idao de Tillard est, ainsi, par Severino 1’11’’, gagnant de Critérium, fils de l’éclectique Gobernador 1’11’’, deuxième du « Cornulier », puis vainqueur des Prix de France et de Paris, au cours du même hiver. La lignée mâle, via Buvetier D'aunou 1’14’’, est celle de Royal Prestige 1’11’’ et du père de celui-ci, Speedy Crown 1’12’’, sur lequel Idao de Tillard est, d’ailleurs, inbred (5x4). De même, Idao de Tillard a pour mère une fille de First De Retz 1’11’’, deux fois lauréat du Prix de Cornulier, compétition parangon de l’élevage trotteur français monté. En embuscade, l’étalon américain Workaholic 1’11’’, père de mère précédent d’Idao de Tillard. Une consanguinité (4x3) sur Podosis (ascendance Florestan-Star’s Pride), autre gagnant du "Cornulier", est également convoquée. Une façon d’entériner la mixité du pedigree.
Les doubles vainqueurs de Prix d’Amérique
- Pro Patria (1920, 1921)
- Passeport (1923, 1924)
- Amazone B (1930, 1933)
- Hazleton (1931, 1932)
- Muscletone (1935, 1937)
- De Sota (1938, 1939)
- Ovidius Naso (1945, 1946)
- Mighty Ned (1948, 1951)
- Gélinotte (1956, 1957)
- Jamin (1958, 1959)
- Ozo (1963, 1965)
- Tidalium Pélo (1971, 1972)
- Idéal du Gazeau (1981, 1983)
- Varenne (2001, 2002)
- Offshore Dream (2007, 2008)
- Ready Cash (2011, 2012)
- Bold Eagle (2016, 2017)
- Face Time Bourbon (2020, 2021)
- Idao de Tillard (2024, 2025)
Les deux frères inséparables
C’était l’une des belles histoires de ce Prix d’Amérique Legend Race : la présence de deux frères Go On Boy (Password) l’ainé et son cadet Josh Power (Offshore Dream). En terminant aux troisième et quatrième places, ils finissent assez proches l'un de l'autre et mettent en avant la réussite de l’élevage de la famillle Mary :"C’est magnifique, nous lance le fils Pierre-Emmanuel. Les deux sont dans les quatre premiers du Prix d’Amérique. Josh Power a terminé fort mais n’a pas pu remonter son frère Go On Boy qui a dû faire un gros effort dans le dernier tournant et s’est montré courageux. On savait qu’ils avaient une chance et ils ont répondu présent. Merci à leurs entraîneurs et drivers respectifs qui ont fait du grand travail pour en arriver là." Victime d’un petit souci de harnachement après le faux départ, Romain Derieux nous indique : "Le meilleur a gagné parce qu’il a été seul devant. Go On Boy fait sa course. Il m’a un peu embêté à l’entrée de la ligne droite. Je n’ai pas voulu rester dans le dos de Just Love You avant le tournant car je voyais que la course se bloquait devant. Il a fait sa valeur. Lorsqu’on est favori, on espère toujours gagner". Courageux, il a fallu l’être pour que Go On Boy résiste à l'attaque de son petit frère Josh Power : "Le cheval s’est retrouvé un peu loin, le wagon de trois s’est formé de bonne heure et j’ai eu peur qu’il ne se retrouve dernier, analyse Sébastien Ernault, mais tout s’est bien passé quand même et il finit super. On se dit qu’en étant un petit peu plus près, il aurait pu finir plus près. Je suis satisfait du cheval et de la drive d’Eric. Il a fini en avançant et n’a pas fait la dernière course de sa vie. Direction le Prix de Paris."
1'11''1 : 2ème meilleur temps de la course
S'il est moins exceptionnel que l'an passé aux dires de son entourage, Idao de Tillard signe tout de même une meilleure performance intrinsèque cette année en réalisant la réduction kilométrique de 1'11''1, soit une demi-seconde de mieux qu'en 2024 ! C'est tout simplement le deuxième meilleur chrono de tous les temps.
Les autres réactions
Benoît Robin, entraîneur de Hussard Du Landret (5ème) : "Je suis très content, le cheval court super bien. Je ne suis pas déçu, juste un peu frustré car j’y ai longtemps cru. Il a eu un petit coup de mou en haut mais s’est très bien relancé. On est dans les cinq premiers d’un Prix d’Amérique ! On n'a pas le droit d’être déçu, ni d'avoir pas de regret. Direction le Prix de Paris pour défendre son titre."
La Marathon Race est aussi sur le calendrier d'Iroise De La Noe (Tornado Bello), actrice de la phase finale avant de se montrer fautive. Son driver-entraîneur s'est par conséquent dit partagé par la situation : "C'est un sentiment mitigé : d’un côté, elle a montré qu’elle avait les capacités pour réussir dans un Prix d’Amérique et d’un autre, je suis un peu dégoûté car cela fait une semaine que ma jument est moins bien. Le heat n’était pas bon et je n'ai pas été à l’aise durant la course. Ce n’est pas compliqué : je suis au petit trot, je n’ai rien demandé et je n’ai pas débouché mais je n’ai pas l’allure. Lorsque je lui ai demandé d’avancer elle a fait la faute mais elle a montré qu’elle a le niveau. Je garde le côté positif, il y a quinze jours on ne devait pas courir. Elle a montré à tout le monde sa valeur face aux meilleurs. Le meilleur du jour a gagné mais elle a montré qu’un jour elle peut le gagner. Direction le Prix de Paris on a un mois pour réussir à l’avoir mieux que cela."