Dimanche dernier, pour son premier partant, il a remporté sa première course ! Tous les professionnels des courses vous le diront : c'est le pire des débuts pour un jeune propriétaire qui peut alors croire que tout est facile et que l'avenir s'annonce prolifique. C'est vrai... sauf pour les exceptions. Et Julien Fébreau pourrait certainement en être une. Le commentateur-vedette de la Formule 1 sur Canal+ a en effet su prendre le temps pour comprendre notre univers afin de mieux le vivre. Avec enthousiasme, humilité et simplicité, il a accepté de nous conter son histoire de propriétaire, intimement liée à sa personnalité, ses valeurs, son parcours. Il a monté le son et n'a pas manqué son rendez-vous au premier virage. C'est l'histoire d'un passionné, une histoire d'amitié aussi, et l'histoire d'un coup de coeur.
Le cadre de l'interview
Il n'aura fallu que d'un coup de mains de la part de Pierre Costabadie, photographe de l'agence Scoopdyga entre autres, pour avoir les coordonnées de Julien Fébreau. Et d'un seul message pour recevoir un appel de sa part alors qu'il venait juste d'atterrir de Budapest où il était pour le week-end de Grand Prix de F1. Tout simplement.
"Quand Sébastien me parle technique et foulée j’adore ça. J'ai envie, demain, en regardant une course, de comprendre ce qui est en train de se passer".
Quel est votre objectif en qualité de propriétaire de chevaux de course ?
Mon seul objectif, c'est de prendre du plaisir et de vivre une aventure au plus près possible de l'animal et entouré des bonnes personnes. Et j'ai vraiment l'impression que là, j'ai réuni tout ce que je voulais pour vivre cette première aventure dans le partage. C'est essentiel. Il n’y aurait aucun intérêt à le faire avec des gens que je ne connaîtrais pas, que je ne sentirais pas. Encore une fois, je viens pour le plaisir de vivre une émotion nouvelle, de découvrir un environnement qui, à la base, n'est pas le mien et qui même étant petit me faisait peur, c'est pour vous dire ! Il n'y a pas d'autre façon pour moi de l'aborder que de sentir les choses. Quand Sébastien me parle technique et foulée j’adore ça. J'ai envie, demain, en regardant une course, de comprendre ce qui est en train de se passer. Et ça me rappelle, dans un tout autre domaine, ce que j'ai vécu à Canal quand je suis allé commenter les Jeux olympiques à Rio en 2016 et qu'on m'a mis sur l'Aviron. Je ne connaissais rien à l'aviron. Je suis parti de zéro et je me suis préparé pendant six mois, en allant voir les fédérations, les clubs, les pôles d'entraînement. Je suis allé sur des bassins à 8 heures du matin sur des Zodiacs, les regarder s'entraîner à côté des entraîneurs qui m'expliquaient la position de l'athlète, comment il pliait les jambes, les bras, etc. Là, c'est aussi ce que j'ai envie d'observer et d'apprendre à encore mieux comprendre. C’est exactement la même chose avec un cheval : sa foulée, son allonge, s’il baisse la tête ou pas. C'est un sport tellement technique. De toute façon, tout ce qui touche au haut niveau me passionne et c'est ce que j'ai aussi envie de vivre. En tout cas, la compétition me plaît. L'aspect sportif et technique d'un sport me plaisent.
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Mais j'ai aussi envie dans quelques jours d'aller voir New Success chez Sébastien juste pour lui faire des gratouilles et passer du temps avec lui et juste pouvoir le toucher, le sentir et lui dire que je suis fier de lui. Il y a vraiment un double aspect avec cet animal qui est à la fois l'animal et la machine. Il est l'athlète et il est le moteur de sa propre performance.
Comment et d'où avez-vous vécu la course de New Success dimanche dernier ?
La course était programmée à 14h, soit juste avant qu'on prenne l'antenne pour le Grand Prix de Hongrie sur Canal+. J'étais en place, j'avais déjà mon micro, mes oreillettes, on venait de faire la répétition… Et, ce qui est marrant, c'est qu’il s’agissait de mon 400ème Grand Prix de F1, raison pour laquelle, sur les réseaux sociaux, Canal Plus F1 a fait un post avec un gif où on me voit la tête baissée sur mon téléphone et lever les yeux vers la caméra : c'est en fait exactement le moment où j'ai découvert qu'il avait gagné, Marine m'ayant envoyé un message. Le tweet de Canal Plus F1 pour me souhaiter un joyeux 400ème Grand Prix c'est donc moi en train de comprendre qu’on venait de gagner à La Ferté-Vidame !
On a pris l'antenne juste après, le timing était donc parfait ! C'était très bien qu'il soit dans la première course, comme ça après j'ai pu rester concentré quand même sur mon Grand Prix, mais avec l’esprit heureux d'avoir appris la nouvelle. J'étais tellement content. Yoann {Lebourgeois} a été super gentil : il m'a fait un long message vocal pour m’expliquer toutes ses sensations et me les partager. Il m'a même fait une petite vidéo sur le sulky après avoir gagné. Et on s'est fait un long débriefing hier soir au téléphone sur comment il l'avait trouvé. Donc, c'est super sympa parce que moi, encore une fois, je suis un novice dans cet univers-là.
"Le tweet de Canal+ F1 pour me souhaiter un joyeux 400ème Grand Prix c'est donc moi en train de comprendre qu’on venait de gagner à La Ferté-Vidame".
Le choix de la casaque, tout un symbole
"Déjà, il fallait regarder ce qui était disponible, parce qu'à un moment donné, je me suis dit qu'on doit pouvoir créer un truc magnifique. Non, il y a des règles. C'est très codé. Il n'y a pas une infinie de possibilités sur les casaques. Et quand j'ai vu qu'il y avait l'une d'entre elles qui s'approchait du drapeau à damier, cher à tous les passionnés de sport auto comme moi, j'ai dit « allez, je la prends ! » Elle fait donc un peu le lien sympa entre ces deux univers, celui que je connais depuis, on va dire quasiment toujours et qui est le mien au quotidien et celui que je suis en train de découvrir mais qui me passionne énormément".
*damier blanc et noir, manches blanches, brassards et toque noirs
Quelle est votre vision des courses ?
C’est peut-être naïf, mais c'est la mienne : je veux que mon cheval soit heureux, et je sais aussi qu'on est raccord avec Seb là-dessus aussi. Je souhaite et j'espère que New Success sera un bel athlète et qu'il fera une belle carrière. Mais Sébastien est vigilant à bien faire les choses. Je me rangerai toujours derrière lui du fait de ma méconnaissance totale du milieu, même si elle va, j'espère, se combler progressivement. C'est lui qui tous les matins à 5 heures est avec eux et ce n'est pas moi. Pour rien au monde, je ne voudrais prendre position sur ce que doit faire le cheval, dire ce qui serait bien de faire. Il est le seul connaisseur, si ce n'est l'un des meilleurs, le meilleur entraîneur qui existe dans l'univers du trot. Je me range derrière lui et on est raccord sur le fait que le cheval a besoin de grandir, il a besoin de se développer. Il faut qu'il garde le moral parce qu'on a déjà vu des situations où... Et moi, c'est tout ce que je ne veux pas vivre avec New Success. Super, il a gagné sa première course. On s'en réjouit, mais ce n'est qu'une première course. Et il peut se passer tellement de choses dans la vie d'un cheval qu'il faut rester très humble et très calme et surtout prendre toujours les meilleures décisions pour le cheval. Donc, je sais que c'est ce que Seb fait et continuera de faire. Donc, moi, ma vision des courses, c'est ça.
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On essaye d'accompagner un cheval de la meilleure des manières possibles : s'il a du potentiel et qu'en plus, il est capable de le développer et qu'il est travailleur et qu'il a faim d'aller sur les champs de courses et d'affronter les autres compétiteurs... alors on va l'accompagner et on vivra de belles émotions. Mais la seule chose qui m'anime aujourd'hui, c'est de pouvoir déjà en parler quasiment tous les jours avec Marine.
Quel regard portez-vous sur la médiatisation des courses ?
Je manque quand même beaucoup de recul pour prendre position. Le seul élément qui me vient à l'esprit quand on évoque ça, c'est de voir ce qui est fait aujourd'hui autour des grandes courses. Alors, elles ne sont pas seules à animer l'univers des courses et du trot ou du galop d'ailleurs, mais évidemment que ce sont les grandes courses dont on entend parler quand on est néophyte comme moi avant toute autre course. Et je vois ce qui est fait et ce que les organisateurs tentent de faire pour que ce soit du grand spectacle. La F1 a fait la même chose.
Il faut que le sport de haut niveau puisse aussi être un spectacle avec sa part d'excitation. Donc je l'ai vu en allant au Prix d'Amérique : ça devient des grands shows et à l’instar de la F1 qui a eu ce leitmotiv de dire que chaque Grand Prix maintenant doit être un Super Bowl, chaque Grand Prix doit être un événement exceptionnel. On voit bien qu'aujourd'hui, chaque grande course devient un super show également.
Maintenant, toutes les courses de la planète ne peuvent pas être un Super Bowl chaque dimanche et ce sont aussi les plus petites courses qui font vivre tout un écosystème. Néanmoins, dire quelle position j'ai là-dessus, honnêtement, je n'ai pas du tout le recul pour le dire. Je pense néanmoins que, quelque soit le sujet, on peut toujours s'inspirer de ce qui est fait de mieux dans tout domaine. Il y a des choses qui ne sont pas forcément liées aux finances, mais qui sont des choses de bon sens, d'organisation… L’excellence doit être source d'inspiration, et il ne faut pas en avoir peur. Quand je quitte mon univers de la Formule 1, et que je vais participer à mes courses de rallycross, un sport populaire dans le sens le plus noble du terme, et qui n'a évidemment pas la médiatisation de la Formule 1, sans attirer des foules et générer des montants comme ceux de la Formule 1, pour autant, j'aime appliquer et pouvoir essayer d'y appliquer des règles que je vois au quotidien en Formule 1, des idées souvent applicables, de bon sens.
"Yoann, ce serait Charles Leclerc car c'est lui qui a le feeling, qui a notre New Success entre ses mains"
Un jeu avant de conclure ? En Formule 1 qui serait...
Sébastien Guarato ?
Séb, ce serait Totto Wolff, le grand patron de l'écurie Mercedes, celui qui organise tout, qui est à la baguette.
Marine Costabadie ?
Ce serait Margot Laffitte parce qu'elle est à la fois journaliste, observatrice de tout premier rang, et puis Margot est une pilote aussi, comme Marine est propriétaire de chevaux, donc elle est impliquée dans l'aventure, oui ce serait Margot !
Yoann Lebourgeois ?
Ah Yoann, ce serait Charles Leclerc car c'est lui qui a le feeling, qui a notre New Success entre ses mains
New Success justement, ce serait ?
La McLaren, c'est la machine !
Et Julien Fébreau ?
Oh je resterais moi, je reste en retrait, en simple observateur.
Pour conclure, vous qui aimez les formules, quel punch-line pourriez-vous créer pour New Success ?
Ce serait plutôt sous la forme d'un voeu. Je lui dirais : "Sois heureux, fais-toi plaisir, amuse-toi. Il a un regard tellement malicieux, t'as envie de lui dire, continue d'être heureux."